Marc-Édouard Nabe, de son vrai nom Alain Zannini, est né le 27 décembre 1958 à Marseille, au retour de ses parents de New York où ils ont vécu quatre ans et où il a été conçu. D’origine gréco-turco-italienne par son père et corse par sa mère, Alain est baptisé catholique le 8 février 1959 à Notre-Dame-du-Mont sur l’ordre de sa grand-mère orthodoxe. A l’âge de quatre ans, le fils unique est séparé de sa mère, tombée malade, et de son père, qui poursuit son activité de musicien de jazz, et est placé plusieurs mois dans un établissement pour enfants de tuberculeux à l’isolement. Retrouvant ses parents dans le quartier du « Racati » de Marseille, il est élevé dans une école d’application communiste. Il étudie le piano au Conservatoire, mais son goût pour le dessin semble le destiner plutôt à une carrière de peintre et de dessinateur. Il fait des voyages et des croisières où l’orchestre de son père est engagé : aux sports d’hiver et en Afrique notamment.
En 1970, la famille s’installe à Paris au moment de la sortie du tube Tu veux ou tu veux pas, qui rend son père Marcel Zanini célèbre. Dès sa jeunesse, « Nabe », comme l’appellent ses camarades de lycée à cause de sa petite taille (nabot), côtoie de grands musiciens de jazz, mais aussi des artistes de music-hall, et les dessinateurs Siné, Fred, Gir… À quinze ans et demi, il va frapper à la porte d’Hara-Kiri et est accueilli par Wolinski, Choron et Gébé qui publient ses premiers dessins en couleurs dans les numéros de 1974-1975. Le 23 janvier 1975, un de ses dessins fait la une de Libération.
C’est sur l’insistance de son père qu’il n’abandonne pas la musique et se met au trombone, à la batterie et finalement à la guitare rythmique dans le sillage de Freddie Green et avec ses encouragements. Après trois mois de pratique, Nabe participe aux côtés de Sam Woodyard et de Milt Buckner à l’enregistrement d’un disque de son père, où il joue dans un morceau (Nabe’s dream).
C’est pendant son service militaire à Charleville-Mézières (1979-1980), à l’issue duquel il rencontre Hélène, qu’il rédige son premier livre.
Après cinq ans d’atermoiements de la part de différents éditeurs, y compris Gérard Bourgadier et Philippe Sollers chez Denoël, Au régal des vermines est enfin publié le 25 janvier 1985 chez Bernard Barrault sous son surnom « Nabe » complété par ses deux autres prénoms, Marc et Édouard. L’émission Apostrophes de Bernard Pivot où il passe le 15 février 1985 pour le présenter provoque un véritable scandale. Georges-Marc Benamou vient dans le studio le frapper de plusieurs coups de poing, lui déchirant la rétine de l’œil gauche. La Licra lui intente, ainsi qu’à son éditeur, un procès pour « diffamation et incitation à la haine raciale » (elle sera déboutée en 1989). Nabe est alors considéré comme un antisémite et un écrivain d’extrême droite.
En 1986, sans se laisser abattre, il publie, toujours chez Barrault, son deuxième livre, Zigzags, un recueil de textes de divers genres (essais, nouvelles, poèmes en prose…), puis la même année chez Denoël un livre sur le jazz (L’Âme de Billie Holiday), et au Dilettante un recueil d’aphorismes (Chacun mes goûts). Tout en écrivant régulièrement dans la revue L’Infini, il travaille à son premier roman, Le Bonheur, qui paraîtra en 1988 chez Denoël. Il publie en 1989 au Dilettante La Marseillaise, texte sur le saxophoniste de free jazz Albert Ayler.
À cette même époque, il participe à l’hebdomadaire de Jean-Edern Hallier L’Idiot international. Il y attaque avec violence des personnalités comme Élisabeth Badinter, Serge Gainsbourg ou l’abbé Pierre. Ce dernier texte en particulier crée un tollé jusqu’au sein de la rédaction de L’Idiot : Hallier soutient Nabe contre sa propre équipe et publie un texte de défense de l’article dans le numéro suivant. En février 1990, sa dernière collaboration à ce journal est « Rideau », pamphlet sur l’univers médiatique.
C’est en 1991 que Nabe’s Dream, le premier tome de son journal intime tenu depuis 1983, paraît aux éditions du Rocher à l’initiative de Jean-Paul Bertrand, son directeur, qui entame avec Nabe une relation durable en le mensualisant pour qu’il puisse continuer son travail d’écriture. Il vit à cette époque au 103, rue de la Convention, adresse que rejoindra bientôt Michel Houellebecq alors inconnu.
Parallèlement, en 1992, il publie à « L’Infini », Gallimard, le récit de son séjour de 1988 en Turquie en quête de ses racines, Visage de Turc en pleurs, et, au Rocher, L’Âge du Christ, qui relate son voyage à Jérusalem l’année précédente, où il est allé faire sa première communion. En cette même année, deux autres livres encore : Rideau et Petits Riens sur presque tout.
Le deuxième tome de son journal, Tohu-Bohu, paraît en 1993. Ainsi qu’au Dilettante Nuage sur Django Reinhardt. En 1995, il publie chez Gallimard un roman sur la femme de Céline, Lucette, puis, au Rocher, une longue préface au Théâtre choisi d’Henry Bernstein. En 1996, sort le troisième tome de son journal, Inch’ Allah.
En 1997, financé par le dessinateur Pajak, Nabe lance un mensuel L’Éternité entièrement rédigé par lui et illustré par Vuillemin et Pajak. Deux numéros seulement sortent.
En 1998, Nabe écrit un roman sur le suicide, Je suis mort (« L’Infini », Gallimard). La même année et l’année suivante paraissent successivement deux recueils de tous ses articles dans diverses revues (Oui et Non), un autre de contes (K.-O. et autres contes) illustrés par Vuillemin, un autre encore de poésies (Loin des fleurs) et un dernier d’interviews (Coups d’épée dans l’eau).
En 2000, c’est la publication du quatrième et dernier tome de son journal intime, Kamikaze, qui s’achève par la naissance de son fils Alexandre en 1990.
En septembre 2000, il part « finir le millénaire » à Patmos en Grèce, l’île où saint Jean écrivit l’Apocalypse, et y reste sept mois en exil pour écrire un roman sur l’identité. Il quittera l’île le 7 avril 2001, après avoir brûlé les cahiers de son journal intime inédit recouvrant les années 1990-2000.
De retour à Paris, il assiste aux attentats du 11 septembre 2001 qui lui inspirent un pamphlet intitulé Une lueur d’espoir, publié en novembre 2001 au Rocher, et qui à ce jour constitue son plus grand succès de vente malgré une nouvelle réputation qui ne cessera d’enfler, celle d’un Nabe d’extrême gauche pro-islamiste et pro-terroriste.
Un premier site Internet est lancé par Frédéric Vignale, mais le webmaster le laissera mourir moins d’un an après.
En 2002 sort au Rocher (après 19 refus de la part des principales maisons d’édition parisiennes) son roman écrit à Patmos, Alain Zannini, que l’Académie Goncourt, pour contourner le boycott des critiques, inscrit aussitôt sur sa première liste à l’initiative d’Edmonde Charles-Roux.
En mars 2003, il part pour l’Irak assister aux bombardements américains sur Bagdad et entame un travail d’écriture en direct des événements contemporains. Il en rapportera le roman Printemps de feu, sorti au Rocher dès septembre 2003. Il crée sur sa lancée un journal distribué en kiosque, La Vérité, co-dirigé par Anne-Sophie Benoit avec des dessins de Vuillemin, et pour lequel le « terroriste » emprisonné Carlos écrit des éditoriaux depuis sa cellule. La Vérité est interrompue au quatrième numéro par un procès intenté et gagné par le trotskyste M. Lambert. Nabe finit l’année au Liban et en Syrie où il s’était déjà rendu précédemment.
En 2004, un deuxième site Internet est lancé par un autre webmaster plus assidu, qui le maintiendra actif cinq ans. Nabe publie son dernier livre aux éditions du Rocher, J’enfonce le clou, recueil des articles publiés dans La Vérité augmenté d’inédits.
En 2005, Jean-Paul Bertrand vend les éditions du Rocher au pharmacien toulousain Pierre Fabre qui met fin aux mensualités de Nabe. Se retrouvant du jour au lendemain sans ressource et sans éditeur, Nabe intente un procès aux nouveaux propriétaires du Rocher.
Cassé dans son rythme de publication (un livre nouveau par an en moyenne), Nabe se contente alors de rééditions. En 2006, Dominique Gaultier, du Dilettante, lui réédite son premier livre Au régal des vermines que l’auteur agrémente d’une préface, « Le vingt-septième livre », et Léo Scheer compose avec Angie David un volume de ses Morceaux choisis. En 2007, Denis Tillinac reprend L’Âme de Billie Holiday dans la collection « La Petite Vermillon » à La Table ronde, ce qui en fait le premier livre de Nabe en poche.
En attendant l’issue du procès, Nabe s’exprime sur des sujets d’actualité à travers des tracts imprimés, distribués gratuitement dans les rues ou affichés sur les murs de différentes villes, et repris sur bon nombre de sites et de blogs. L’équipe qui compose, imprime et diffuse les tracts demeure anonyme.
Fin 2006, il va au Sénégal donner une conférence sur Impressions d’Afrique de Raymond Roussel dans une école de Dakar, à Pikine.
En 2007, il organise une exposition d’une cinquantaine de portraits d’écrivains et de jazzmen (28 tableaux vendus). A la fin de l’année, il va en Mauritanie, et prend position dans la presse locale pour l’annulation du rallye Paris-Dakar.
Fin 2008, le procès contre Le Rocher est gagné : Nabe récupère les droits de tous ses livres édités par la maison entre 1991 et 2004, soit 16 titres et la préface au théâtre d’Henry Bernstein. Avec les deux titres chez Barrault, un Gallimard et deux Denoël, le nombre de livres lui appartenant se monte ainsi à 22.
Décidé à ne plus revenir dans le système éditorial, il publie symboliquement en janvier 2009 au Dilettante un dernier livre en édition « conventionnelle », Le Vingt-Septième Livre, qui n’est autre, en plaquette séparée, que la préface de 2006 à la réédition du Régal des vermines. Désormais, sur la lancée de ses tracts, Nabe annonce qu’il « publiera » lui-même ses futurs livres, et qu’il rééditera les anciens dont les droits lui appartiennent. Une deuxième exposition de ses peintures sur l’Orient se tient à l’office du tourisme du Liban du 5 mars au 4 avril (31 tableaux vendus).
Deux nouveaux sites s’ouvrent alors.
Le premier, alainzannini.com, animé par une équipe d’une vingtaine de « passionnés hors du système éditorialo-journalistique », est riche de documents et réactualisé en permanence.
Le second, marcedouardnabe.com, est une simple plateforme de mise en vente de ses livres sur Internet, dont les stocks lui ont été restitués par décision de justice, loin du circuit éditeur-diffuseur-libraire. Le lancement de ce site en janvier 2010 est marqué par la parution du nouveau roman de 700 pages de Marc-Édouard Nabe, L’Homme qui arrêta d’écrire, écrit dans le secret depuis quatre ans, tiré à 1000 exemplaires et publié par ses soins.
Un mois après, le premier tirage est épuisé. Un deuxième tirage de 3000 exemplaires suit immédiatement.
Le 15 avril 2010, un évènement unique est organisé pour célebrer le 3000e livre vendu en trois mois : pour la première fois, un écrivain invite tous ses lecteurs lors d’une soirée de rencontre. Un troisième tirage de 4000 exemplaires rend à nouveau le livre disponible au début du mois de juin. Toujours sur Internet, mais aussi dans quelques points de vente parisiens qui ne sont pas des librairies : un boucher, un fleuriste, une pharmacie, un coiffeur, trois bars-restaurants et une boutique de vêtements féminins vendent ainsi le roman dont bientôt 6000 exemplaires seront écoulés.
Après un été passé au Maroc (sur les traces de Jean Genet) et en Sicile (sur celles de Pirandello), Nabe assiste à l’ahurissant matraquage journalistique pour la remise programmée du prix Goncourt 2010 à son ex-voisin Michel Houellebecq. Aucun autre livre n’existe en cette rentrée sauf… L’ Homme qui arrêta d’écrire placé, à la surprise générale, par Franz-Olivier Giesbert sur les deux dernières listes du prix Renaudot. C’est la première fois qu’un livre auto-édité est en lice. Les retombées médiatiques sont énormes et le roman de Nabe arrive en finale. Le duo Houellebecq-Goncourt / Nabe-Renaudot se précise jusqu’au matin du 8 novembre. Malgré les soutiens de F.-O. Giesbert, de Patrick Besson et de J-M-G Le Clézio (Prix Nobel) qui a voté 11 fois pour Nabe, le Prix Renaudot lui échappe à une voix près et est décerné à Virginie Despentes (Grasset).
Une « cataracte galopante », rare à 51 ans, lui est diagnostiquée. Opéré des deux yeux en décembre 2010 et janvier 2011, lui qui portait des lunettes de myope depuis l’âge de cinq ans, n’en porte plus et (re)découvre le monde.
Nabe passe le mois d’avril 2011 en Tunisie pour comprendre sur le terrain les révolutions arabes.
En mai, Marc-Edouard Nabe devient également le nom d’une société : la « SARL Marc-Edouard Nabe » qui vend ses propres livres.
Le 7 octobre est mis en vente son nouveau livre : L’Enculé, le premier roman sur l’Affaire Strauss-Kahn. Le premier tirage de 2000 exemplaires est épuisé en un mois. Un deuxième tirage (4000 ex.) est disponible le 17 novembre, mais malgré un lancement sous forme d’une dénonciation spectaculaire de Marc Weitzmann dans Le Monde des Livres, les ventes se tassent. Par peur des procès (qui n’arriveront pas), les principaux alliés médiatiques de Nabe (Taddeï, Ardisson, Dupuis…) se défilent. Seul Eric Naulleau invite Nabe à la télévision.
En 2012, la polémique reprend fort. D’abord par une conférence, interdite par la municipalité, que Nabe donne le 2 mars à Lille avec Tariq Ramadan sur les révoltes arabes. Ensuite par une vidéo sur le site Oumma.com (26 mars) où Nabe déclare la guerre aux « complotistes » qui le couvrent d’injures sur Internet parce qu’il récuse la version d’un 11-Septembre fomenté et exécuté par les Américains eux-mêmes. Dix ans après avoir écrit une Lueur d’espoir, et à cause d’une campagne de calomnies principalement alimentée par Alain Soral, Nabe est considéré soudain comme un « agent de l’Empire américano-sioniste », et dénoncé comme « ennemi des musulmans » par des « Beurs » adeptes de la théorie du complot et plus ou moins séduits par l’extrême-droite.
Le 21 mai 2012, ressort Au Régal des vermines, première réédition de l’anti-édition. Tiré à 5000 exemplaires.
Le 30 août 2012, Lucette ressort chez Folio (mais le copyright est à Nabe, Gallimard lui ayant rendu les droits du livre). Ce premier Folio est publié à l’occasion du centenaire de Lucette Destouches.
Ayant pris connaissance, à l’automne 2013, de la série de vidéos insultantes contre Philippe Sollers dont deux épisodes sont consacrés à Marc-Edouard Nabe et dans lesquels sa famille (père, mère, fils, etc.) sont diffamés à l’aide d’images d’archives volées et commentées par le vidéaste, Nabe écrit et publie pour L’Infini n°126, la revue de Philippe Sollers, la suite du portrait « Mon meilleur ami » paru à l’été 2000, sous la forme d’un roman de 33 pages intitulé : « L’Eunuque Raide ». Les réactions ne se font pas attendre : Jérôme Dupuis salue dans L’Express la « surprise » du retour de Nabe dans L’Infini, et un Tumblr est consacré à l’Eunuque raide.
En janvier 2014, revenu à Paris, en plein travail sur son livre contre le conspirationnisme (auquel il s’est attelé depuis déjà trois ans), et en guise de « bonne feuille », Nabe décide de lâcher l’ « Avertissement » du début du livre imprimé et collé comme un de ses tracts sur les murs de Paris sous le titre Avertissement. Le 10 janvier, Nabe, traité de « cerveau malade » par Patrick Cohen quelques mois auparavant, passe alors en invité spécial à la fin d’une émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais ! consacré à Dieudonné… Pendant à peine 7 minutes, il brosse une première analyse du véritable danger que représentent Dieudonné et Soral qui est la propagation du complotisme parmi les esprits faibles, et qui est beaucoup plus dangereuse que le banal antisémitisme. Voué aux gémonies dès son départ du plateau par Emilie Frèche et Alain Jakubowiz, Nabe est très vite accusé de « traîtrise » par une « dissidence » (dont il n’a jamais fait partie pour ces mêmes raisons) qui ne supporte pas qu’on touche à leurs gourous. L’affaire fait grand bruit, et dans toutes les sphères, car Taddeï lui-même manque perdre sa place pour avoir invité Nabe sans avoir précisé que Nabe est le parrain de son fils Diego (ce qui n’est évidemment pas la raison de l’admiration que Taddei porte à Nabe depuis plus de vingt-cinq ans).
Nabe continue de travailler sur son gigantesque livre sur le conspirationnisme. Lassé de s’entendre répondre « Patience… Patience… » à tous ceux qui lui demandent une date de sortie, l’auteur a l’idée de lancer un « magazine » (hors du circuit de la presse, bien sûr) qui s’appellerait Patience. La montée de L’Etat Islamique, pendant l’automne 2014, passionne Nabe et il compose pour le premier numéro de Patience, un texte de 80 pages très documenté, et avec de nombreuses photos « trash » mais sans montage (sauf la couverture), dans l’objectif de rénover le « livre illustré » et le rapport du texte à l’image, et aussi de donner du sens au passage de documents internet sur support papier…
L’anniversaire des quarante ans de sa participation (en 1974) à Hara Kiri en tant que dessinateur, et la proximité de son magazine avec celui du professeur Choron, le pousse à organiser une exposition de ses dessins d’humour produits dans sa jeunesse. Dans une galerie de la rue Daru (à Paris, 8e), devant la Cathédrale orthodoxe, et louée à cet effet, Nabe expose 60 dessins. Le jour du vernissage correspond à celui de la sortie en surprise totale de Patience (3 décembre) tiré à 2000 exemplaires. Le texte s’intitule « Un Etat de grâce » et la couverture, liée à la raison d’être du magazine, fait sensation : Nabe en bourreau de Daech (non cagoulé) sur le point de décapiter Dieudonné à genoux dans la tenue orange des otages avec, en lunette, Soral promis au même sort…
L’exposition, qui n’a pas eu le succès escompté, à cause du désintérêt du public pour l’aventure Hara-Kiri/Charlie-Hebdo des années 70, était programmée pour se terminer le… 7 janvier 2015 ! Le matin même, les attentats au siège parisien du nouveau Charlie Hebdo, où Wolinski et Cabu ont trouvé la mort, relancent mondialement le sujet « Charlie ». Le soir du décrochage (7 janvier donc), Nabe reçoit ses amis et décide de faire un deuxième numéro de Patience consacré aux événements dans lesquels il voit une conjonction étonnante entre la punition que méritait, selon lui, l’équipe qui avait trahi et lâché le Professeur Choron en 1992, et les actes terroristes des djihadistes qui voulaient punir Charlie Hebdo pour avoir insulté, sous l’influence de Philippe Val puis de Charb, et pendant plus de vingt ans, le Prophète Mahomet…
Après six mois d’enquêtes et d’écriture, interrompus par une opération suite à un décollement très grave de la rétine de l’œil gauche (celui déjà abîmé par le coup de poing de Georges-Marc Benamou trente ans auparavant à Apostrophes ), Nabe sort Patience 2, le 20 août 2015. Cette fois le « magazine », qui comprend 640 000 signes (l’équivalent d’un livre de 300 pages), et qui n’a été imprimé qu’à 900 exemplaires est encore plus soigné et copieux : les images (la plupart inconnues), aussi bien tirées de caméras de surveillance que d’émissions de télé par captures d’écran, cohabitent entre les pages de texte avec des gravures, dessins, archives, photomontages et autres fac similés…
Ce Patience, qui analyse le Charlie de l’époque Val et Charb, les attentats, mais aussi le phénomène de consensus dictatorial et le racisme de ses moutons tous « Charlie », s’intitule cette fois « La Vengeance de Choron » et affiche en couverture un photomontage impressionnant qui dit tout : Adolf Hitler arborant un écriteau « Je suis Charlie »… Cette trouvaille est une manifestation supplémentaire du parcours intellectuel, politique et esthétique d’un artiste cohérent jusqu’au vertige.
Le jour de la sortie, Nabe organise un petit pot rue des Trois-Portes, devant la porte même où il avait frappé en 1974, et invite les derniers acteurs et témoins survivants de l’aventure Hara-Kiri et quelques amis à qui il offre des exemplaires de Patience 2. Le moment est filmé par Charles Branco et diffusé sur Youtube. En une semaine, la moitié du tirage de Patience 2 est écoulée, sans aucune publicité ni relai médiatique d’aucune sorte.
Du 15 septembre au 15 octobre, dans une nouvelle galerie au 4, rue Frédéric Sauton (à deux pas de la rue des Trois-Portes…), nouvelle exposition ! Nabe présente un ensemble d’« Encres » allant de 1975 à 2015 et, pour la première fois, un choix de ses « Manuscrits » originaux depuis Au Régal des vermines (1982) jusqu’à Loin des fleurs (1999).
Malgré le tir de barrage absolu de tous les médias, le premier tirage de Patience 2 est écoulé en moins de deux mois… Nabe réimprime son magazine (toujours à 900 exemplaires). Le jour de la sortie de la deuxième édition, il donne une luxueuse « fête de réimpression » exclusivement offerte à ses amis et lecteurs actifs, et interdite aux journalistes et autres people. Elle a lieu toujours dans sa galerie rue Frédéric Sauton, et au milieu de son exposition qu’il prolonge à cette occasion.
Dans le même endroit, Nabe enchaîne une nouvelle exposition: « Tableaux Choisis » (99 œuvres en couleur, toiles, gouaches, aquarelles, pastels), la plupart jamais montrés. Cette galerie devient un véritable lieu de vie accueillant plus de 3000 visiteurs très différents en deux mois et demi. David Vesper, assisté de son frère Julien, y tourne sur le vif plus de 50 vidéos, mises en ligne sur un nouveau compte YouTube « Eclats de Nabe ». Le succès de ces « Eclats » culmine avec « Nabologie du terrorisme » où Nabe discute avec des interlocuteurs de passage dans sa galerie sur les attentats du vendredi 13 novembre (la vidéo atteint 30 000 vues en huit jours…).
Le 30 novembre, jour-même du décrochage de l’exposition, le n° 7 du magazine de l’Etat Islamique Dar Al Islam parait. A l’intérieur, un dossier de 10 pages reprend des extraits de Patience 1 avec un chapô respectueux pour l’auteur et des notes enrichissant historiquement et théologiquement le texte de Nabe, soudain propulsé par Daech comme le seul « écrivain mécréant » étant capable de l’expliquer, contrairement aux fanatiques de l’ignorance qui pérorent en Occident.
Aussitôt, les blogs fusent. Des « bien-pensants» aux « dissidents », on dénonce Nabe à la police ou à la justice, quand on n’appelle pas directement à son lynchage pur et simple. Les médias traditionnels, eux, restent encore silencieux de crainte de donner un écho au texte de Nabe, exactement comme il y a trente ans le triomphe du Régal avait été étouffé pour les mêmes raisons.
Mars 2016, Nabe reprend sa galerie rue Frédéric Sauton et y expose « Che et autres œuvres » (une trentaine de tableaux) puis, pour Pâques, « Trente-trois Christs » et enfin à la mort de Prince (le 21 avril), un « Hommage à Prince », une soixantaine de portraits (tous aux markers) du chanteur funk exécutés en un mois, à la galerie même et présentés en deux séries de trente et un chacune. Les fans de Prince, considérant le Tribute à leur idole comme un sacrilège de l’image qu’ils se faisaient de lui, couvrent Nabe d’insultes et de moqueries sur ses tableaux, souvent sans savoir qu’il est « aussi » écrivain.
La galerie, ouverte 7 jours sur 7, et fonctionnant toujours en autoproduction complète, est toujours aussi trépidante. Gardée et visitée par un nombre conséquent de personnages hauts en couleurs, elle est l’objet de mains courantes et autres plaintes de la part de voisins et riverains à cause de l’agitation du lieu devenu l’un des plus vivants de Paris, et surtout de la personnalité de l’artiste qui soi-disant les mettrait en danger à cause de ses prises de positions « politiques ».
Dernier dommage collatéral des récents écrits de Nabe : outre la désaffection de tout le milieu dit « intellectuel » et médiatique parisien qui a décidé de l’isoler dans son coin en l’ignorant, le propriétaire de l’appartement qui lui était prêté depuis quinze ans rue des Saussaies congédie Nabe. Ce généreux bourgeois catholique avait hébergé l’auteur de L’Âge du Christ ; pas celui de Patience.
Le 30 mai, Nabe vient se réfugier dans sa galerie et campe à l’étage et à la cave. C’est désormais là qu’il vit, peint et écrit. Dans l’indifférence générale, il multiplie les tableaux qui ne se vendent pas pour financer des livres à venir, si tant est qu’il ait les moyens de les imprimer !
En juillet, devant l’inintérêt total que suscitent ses peintures, Nabe décide d’exposer et de vendre des vêtements usés qu’il a portés ces dernières années, les prix allant de 0,50 à 6 euros… En quelques heures, toutes les « œuvres » ont été vendues à des lecteurs fétichistes ou n’ayant pas compris l’objet de cette exposition unique dans l’art contemporain.
Fin juillet, un catalogue de mille tableaux est mis en ligne, regroupant des huiles, gouaches, dessins, etc., peints sur plusieurs décennies.
Au mois d’août, un « patchwork » de ceux-là est exposé sur les murs vidés des vêtements vendus. Nabe y rajoute une récente série de loups…
La galerie n’est pas seulement un décor de « cinéma » où se tourne des saynètes en vue de futurs Éclats, mais une salle de projection où des films sont diffusés sur un écran. Des Fassbinder, des Sirk, des Murnau, des Pasolini, des Kazan, des Pialat, des Clouzot, sont ainsi offerts à tous, de préférence aux inconnus qui passent dans la rue, et les séances ont lieu à des heures peu communes…
Autre activité qui tend à faire de l’endroit un véritable laboratoire : les corrections du livre en cours de Nabe, en direct, et en public. En effet, avec Antoine son assistant et Tommy son correcteur (sans oublier la présence du clochard-muse Darius) l’écrivain projette son texte sur l’écran de cinéma et corrige ainsi, huit à dix heures par jour, mille pages, pendant tout l’automne 2016.
Nouvelle exposition en octobre de 50 tableaux peints à l’étage sur la Grèce : « Antiquités Grecques ».
En décembre s’achèvent les corrections du livre… Il ne s’agit plus pour Nabe que de réunir la somme nécessaire à l’impression de l’ouvrage (toujours financée par la vente de tableaux). Hélas ! l’immeuble de la galerie est vendu par son propriétaire à un expert-comptable kabyle qui exige le départ de l’artiste pour, au plus tard, le mois de mars 2017. Les expositions doivent être interrompues et Nabe doit trouver un autre endroit pour vivre et travailler.
La dernière exposition sera consacrée au SDF du lieu… 45 portraits de Darius, lui-même, dessinés au crayolor, le représentant dans la galerie même où il vit avec Nabe et son équipe, et qui sont exposés en sa présence. Encore de l’art contemporain !
Plusieurs semaines de suite, Nabe organisera également une série de projections sur Jeanne D’Arc. De la version de Dreyer à celle de Rossellini en passant par celles de Cecil B. de Mille, Bresson, Preminger…
2017 s’ouvre par l’assignation en référé à comparaître au TGI, que Nabe reçoit par huissier, à la galerie le 17 janvier, à la demande de son propre directeur artistique Yves Loffredo, qui, en lisant le manuscrit, n’a pas supporté de s’y voir pas assez bien traité alors qu’il était parfaitement au courant, et avait même participé à l’élaboration du livre depuis plus de cinq ans. Le « DA » de l’antiédition se rebiffe donc, comme le derniers des caves, et demande des suppression de son nom et de scènes complètes dans tout le livre, et des sommes énormes de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, au droit moral et injures publiques…
Le 20 janvier, sans avocat, Nabe se rend seul à la 17ème chambre correctionnelle et plaide sa cause devant le juge Rondeau. Le traître et lâche Loffredo, absent, se fait représenter, lui, par l’avocat Nicolas Brault.
Le 1er février 2017, Nabe précède son exclusion, et quitte la galerie en 48 heures grâce à l’aide de son équipe et de ses proches. Il écrit « Fermeture définitive » à la devanture qui portait son nom et dissémine toutes ses affaires dans plusieurs endroits de Paris et d’ailleurs. Il se retrouve à nouveau SDF et n’a toujours pas le financement pour imprimer son livre achevé.
Le 10 février, le jugement de l’affaire Loffredo en référé tombe : Nabe est condamné à 1 euro de dommages et intérêts et à supprimer vingt lignes insignifiantes de son manuscrit. Insatisfait, Loffredo fera appel de cette ordonnance le 2 mars. Nabe constituera Isabelle Coutant-Peyre comme son avocat…
Le 9 avril, pour le dimanche des Rameaux, la nouvelle saison (2) des Éclats surgit sur YouTube, au rythme d’environ deux ou trois par jour (plus d’une centaine sont programmés pour les mois à venir). Résurrection, un an après, des moments forts d’un lieu qui n’existe plus ! Les éclats font en moyenne 1000 vues dès le premier jour. Le pic est atteint avec celui où l’on voit Nabe discuter avec la conseillère de Jean-Luc Mélenchon, diffusé à la veille du premier tour des élections présidentielles du 21 avril : 15 000 vues.
Le 15 avril, autre retour de Nabe : en kiosque ! Treize ans après La Vérité, Nabe est présent avec le nouveau numéro (27) de la nouvelle série du mythique Satirix… En effet, Lucien Grand-Jouan, son directeur, a décidé de relancer son magazine de dessins d’humour par un spécial « Tabous de Nabe », mais le Nabe de 1974, avec des dessins de l’époque Hara Kiri faits à l’âge de 15 ans… À 58 ans, Nabe devient le plus jeune dessinateur de Satirix, comme il avait déjà été celui d’Hara Kiri… Eternelles boucles temporelles !
Le 7 mai, Emmanuel Macron est élu président de la République française. Le lendemain, 8 mai, la plateforme de vente des livres de Nabe annonce, en grand, avec la reproduction de la couverture noir et or : « Premier chef-d’œuvre sous Emmanuel Macron : LES PORCS – mille pages – 50 euros ».
C’est la sortie tant attendue du livre sur les conspirationnistes que Nabe, après cinq ans de travail et de nombreuses embûches, publie enfin. Le volume est monstrueux et somptueux… Dès les premières heures, sans aucune autre publicité, 300 exemplaires sont commandés. Puis le nombre atteint 400 le jour suivant. Bientôt, les premiers lecteurs reçoivent et découvrent le nouveau livre de Marc-Edouard Nabe…
Sur Internet, les réactions se multiplient, mais les médias traditionnels, comme d’habitude, gardent le silence ainsi que ces « contre-médias » que prétendait constituer la sphère complotiste.
Le seul point de vente du livre est l’arbre sous lequel Darius a trouvé refuge place Maubert : il y vend tous les jours Les Porcs déposés sur un bout de carton, en touchant sa commission de la part de Nabe. Symbole frappant de la situation du livre et de l’écrivain en France… Des remous avec les autres clochards et avec les bars alentour se font sentir mais le seul libraire de Nabe tient bon.
Le 30 mai au soir, Nabe reçoit un mail signé par « les Soldats du Califat en France » qui lui demandent de relayer un message aux Français les enjoignant à se révolter contre leur gouvernement qui est responsable des attentats sur le territoire en continuant à bombarder les terres d’Islam. Le 1er juin, l’auteur de Patience et de « Nabologie du terrorisme » (citée dans le mail) relaie bien volontiers le message sur Twitter. A part quelques esprits éclairés qui en comprennent l’importance, la plupart des observateurs, y compris les professionnels du djihadisme médiatique, doutent de l’authenticité de la missive ou en ricanent. Le point de suspicion ultime est atteint par le magazine Les Inrockuptibles qui voulait inclure Nabe dans un article à charge, mais ils en sont pour leur argent car, contrairement aux « spécialistes », Nabe ne répond pas aux questions posées par les journalistes sur l’événement.
Le 15 juin, l’équipe de Nabe lance une feuille d’information, Nabe’s News (la première est consacrée à l’affaire des Inrocks), qui paraîtra sur Internet selon les « actualités brûlantes », en donnant des « nouvelles fraîches » de l’auteur des Porcs…