Genre : Essai
Editeur : Bernard Barrault
Date de parution : 1986
Nombre de pages : 272
ISBN : 2-4040-86-1
Ce volume entièrement voué à l’enthousiasme ravageur prouve que, loin des pédants, des aigris et des incapables, l’art reste vivant à mort.
J’en rencontre cent par jour, des convaincus de l’importance de Mingus, de Laforgue, de Giorgione ou de Harry Langdon… Les avez-vous vus prendre une plume et descendre un « texte » avec des oeufs, de la farine, du lait et tout ?… Il fallait bien que ce soit fait !
Si, à l’âge où Saint-Just perdait la tête, je n’ai pas la force de lever mon chapeau au passage des corbillards divins, alors j’appartiens bien à ma génération de feignants, d’ignares blasés, de vaniteux bourgeois, oies pâles gavées de toc à l’embue et déjà si las d’aimer.
Mes domaines d’investigations sont ceux de la littérature, du jazz, de la zoologie, de l’histoire, de la peinture, de la morale, du cinéma, des moeurs…
Rien de bien éclectique, comme vous voyez… C’est en zigzags que l’Alcoolique de la Joie regagne son domicile.
Ici, pas d’analyse : du dithyrambe et de la vision : le reste est superflu ! C’est la roue de loterie de mes admirations qui tourne lentement au milieu des années 80.
Toutes les tartes à la crème sont piégées. Le burlesque est le vrai terrorisme. C’est le sabotage suprême, la mathématique destructrice. Tout burlesque est apocalyptique. Un monde où tout est en proie au carnage… Une apologie de la destruction. Les vrais prophètes de notre temps, ce sont les burlesques : ces insolents vandales, complètement amoraux, sans sexe, dont la vie intérieure est au-dehors. C’est pour ça qu’on ne l’entend pas. Le silence recouvre tout : hommes, bêtes, choses, paysages urbains : c’est la chorégraphie muette du massacre universel. Un monde indolore où tout se détruit sans que rien ne meure. C’est la catastrophe qui est inévitable. Pas la mort. Chez eux, le danger est toujours gai. Ils ont montré que la mort n’était pas nécessaire pour donner un sens à la vie. Le burlesque, c’est la parabole de l’ellipse. C’est le monde primitif de la collision dont tout poète rêve d’être le classique. Quel miracle évite (ou pas) de justesse à tous les tacots des films muets de se fracasser lorsqu’ils se croisent à toute vitesse, chargés de grises allures, avant de fuir dans le sépia ?
Ah ! Si l’Apocalypse pouvait être burlesque ! Genèse mollée ! La fin du monde sera burlesque ou ne sera pas, voilà ma conviction !
Chapitre XXIX. « Le burlesque et la mort », p.97-98